• Recherche,
  • Philosophie,

PALDACCI Fanny

L’ordre de l’interaction au sein d’un programme ? artistique ? financé par une entreprise industrielle de droit fran?ais à l’attention de ses ouvriers chinois : les diverses acceptions de ? l’art ? négociées dans la gestion des écarts sociaux et dans le contr?le de la production

Publié le 24 janvier 2025 Mis à jour le 24 janvier 2025

Thèse en Droit, soutenue le 14 juin 2024.

Les travers négatifs que l’on attribue généralement à la discipline d’usine tendent à converger vers ceux dont le r?le est de maintenir l’ordre au sein de l’atelier de production. On se représente tant?t les figures de l’encadrement d’atelier comme celle du contrema?tre circulant parmi les lignes ou comme celle du robot rythmant les gestes et les cadences. Pour autant, les discours de ? modernisation ? du management industriel ne cessent d’enjoindre les ouvriers à laisser libre cours à leur ? initiative ? ou à leur ? créativité ? dans le quotidien du travail. Les employés d’usine sont alors exhortés à ? travailler en toute autonomie ? et invités à ? manager leur poste par eux-mêmes ?. Cette communication se conjugue à des modes de gestion qui enjoignent les ouvriers à exprimer leur ressenti vis-à-vis des méthodes de production en vigueur : ils contribuent, ce faisant, à cultiver la perspective selon laquelle l'évaluation de l'autorité peut effectivement participer à réformer l'ordre établi. ? partir d’une expérience d’immersion, notre analyse se propose d’explorer ces figures de l’encadrement direct ou, en d’autres termes, ces r?les selon lesquels les membres de l’encadrement industriel sont amenés à travailler en contact étroit avec les ouvriers. On effectue cette recherche à travers le cas d’un programme ? artistique ? développé par une entreprise industrielle de droit fran?ais à l’attention de ses ouvriers chinois. Prenant initialement la forme de résidences artistiques au sein de l’usine, ce programme s’incarne aujourd’hui à travers une forme ? d’accompagnement artistique ? qui consiste en la réalisation de projets et d’activités se réclamant d’un registre ? artistique ?, avec les ouvriers. Au-delà des réalisations qui en résultent et auxquelles nous portons une attention spécifique, l’observation empirique de la mise en ?uvre de ce programme met au jour son insertion dans une technologie d’encadrement managérial plus large, dans un contexte de précarisation des conditions sociales et économiques au sein de l’usine mais aussi, dans un contexte où les contre-pouvoirs à l’?uvre, au sein des ateliers de production, sont particulièrement peu visible pour une direction délocalisée. Cette approche met ainsi en évidence le r?le de cet ? accompagnement artistique ? – et de ceux qui en sont les dépositaires – dans la gestion des écarts sociaux et dans le contr?le de la production, au sein de l’entreprise. L’analyse des relations entre les ouvriers et les responsables du programme, qui semblent au premier abord s’établir sur le fondement d’un consentement mutuel, révèle à la fois leur particulière fragilité et leur caractère asymétrique. Au travers de ces relations se jouent, plus largement, la fa?on dont chacun endosse et fa?onne son r?le sous l’effet de ses dispositions individuelles et singulières. Ainsi, outre l’analyse des pratiques d’atelier et du fonctionnement institutionnel spécifique que cette localisation particulière permet de mettre au jour, s’inspirer d’une perspective analytique de la microsociologie interactionnelle pour inscrire notre enquête dans le champ des études aréales a également pour visée de ménager l’accès à un matériau de première main qui renseigne tant sur les conditions de travail que sur les trajectoires singulières des salariés de l’entreprise, tout en mettant au jour des usages vernaculaires de la langue chinoise.

Mots-clés : L’ordre de l’interaction ; Organisation industrielle ; Figures de l’encadrement direct ; Accompagnement ? artistique ? ; Art à portée sociale ; Personnalisation de la relation ; Gestion des écarts sociaux ; Contr?le de la production

All the negative aspects generally attributed to factory discipline tend to converge on the person whose role it is to maintain order on the production floor. Workshop supervisors are sometimes portrayed as foremen circulating among the lines, and sometimes as robots pacing out gestures and cadences. And yet, the "modernization" rhetoric of industrial management is constantly urging workers to let their sense of "initiative" and "creativity" run free in day-to-day work. Factory workers are urged to "build up the individual's self-reliance" and prompted to develop "their own work-station-management". This communication is combined with management methods that encourage workers to express their feelings about current production methods: in so doing, those methods foster the view that the evaluation of authority can indeed help to reform the established order. Based on an immersion experience, our analysis aims to explore these direct management figures or, in other words, the institutional roles according to which members of industrial management are brought to work into close contact with workers. This research is carried out through the case of an "artistic" program developed by a French-registered industrial company for its Chinese workers. Initially taking the form of artistic residencies within the factory, this program is now embodied in a form of "artistic accompaniment" which consists of carrying out projects and activities claiming to be "artistic", with the workers. In addition to the resulting artistic work, to which we pay particular attention, empirical observation of the program's implementation reveals how it fits into a broader managerial management technology, against a backdrop of precarious social and economic conditions within the plant, but also in a context where the counter-powers at work on the production floor are particularly invisible to outsourced management. This approach highlights the role of this "artistic accompaniment" - and of those who embody it - in managing social distances and controlling production within the company. An analysis of the relationships between workers and program managers, which at first glance appear to be based on mutual consent, reveals both their particular fragility and their asymmetrical nature. More broadly, these relationships reflect the way in which each person assumes and shapes his or her role, as a result of individual and singular dispositions. Thus, in addition to the analysis of workshop practices and the specific institutional workings that this particular location enables us to uncover, drawing on the analytical perspective of interactional microsociology to place our survey within the field of areal studies also aims to provide access to first-hand material that gives information on the working conditions and the singular trajectories of the company's employees but also, on vernacular uses of the Chinese language.

Keywords: The interaction order ; Industrial organisation ; Direct management figures ; "Artistic" guidance ; Art in social practices ; Customised power relation ; Management of social differences ; Production control


Directrice de thèse : Gregory B LEE

Membres du jury :

  • M. LEE Gregory B., Directeur de thèse, Professeur des universités, Université Jean Moulin Lyon 3,
  • Mme JIN Siyan, Rapporteure, Professeure des universités, Université d'Artois, Arras,
  • M. VILLARD Florent, Rapporteur, Professeur des universités, Sciences Po Rennes,
  • Mme COAVOUX Sophie, Ma?tre de conférences habilitée à diriger des recherches, Université Jean Moulin Lyon 3,
  • M. LINCOT Emmanuel, Professeur habilité à diriger des recherches, Institut Catholique de Paris,
  • Mme SALMON Nolwenn, Ma?tre de conférences, Université Jean Moulin Lyon 3.

Président du jury : Florent VILLARD